DE L’ÉPOPÉE AU CHANT. LE RÉAMÉNAGEMENT DU RÉPERTOIRE DES PERFORMATEURS WOLOF
Nos monuments à nous, ce sont les traditions orales » écrivait
Alioune Diop cité par Mamoussé Diagne (2005 : 13). En effet, la tradition orale « raccordait en permanence les populations à leur passé
en leur donnant le sentiment de continuité vécu par la collectivité »
(ibid. : 251). Dans ce cadre, l’épopée joue un rôle important dans la
transmission de la tradition orale historique. Toutefois, avec la fin de
l’époque ceddo1 et l’islamisation des sociétés wolof, les valeurs ont
profondément changé. L’héroïsme chevaleresque, la geste sur le champ
de bataille (désormais révolue) cède la place à d’autres valeurs. Dans ce
contexte, un autre genre, le chant, tout en gardant sa visée traditionnelle,
semble prendre le relais en assumant certaines fonctions du genre
épique en les adaptant à ses exigences. Il entretient de fait des rapports
très variés avec l’épopée. Ce sont ces relations que nous nous proposons d’analyser en
nous appuyant sur deux textes majeurs qui continuent d’avoir un impact
sur l’imaginaire collective des Wolof. D’abord, nous étudierons les
rapports entre les chants et L’épopée du Kajoor, « qui chante une geste
de quatre siècles (XVIe-XIXe s.) » (Dieng 1993 : 8). Ce récit célèbre
l’une des plus prestigieuses dynasties wolof qui a donné au Sénégal indépendant son héros national, Lat-Dior. Ensuite, nous analyserons les
liens entre les chants et l’épopée d’El-Hadj Omar en nous fondant sur
l’ouvrage de Samba Dieng, La geste d’El-hadj Omar et l’islamisation
de l’épopée peule, paru en 2017. Grande figure de l’islam en Afrique de
l’Ouest et propagateur de la confrérie musulmane Tîjâniyya, El-Hadj
Omar Tall est de culture pulaar2 mais son action, déterminante dans
l’islamisation des sociétés sénégalaises au XIXe siècle, a beaucoup
influencé la culture wolof. Aussi, occupe-t-il une place importante dans
le répertoire des griots de cette ethnie.